Tamaris BORRELLY
Inner Life, Shaping Worlds

18 février - 8 avril 2023
Shanghai, Chine
DUMONTEIL Shanghai a le plaisir de présenter Inner Life, Shaping Worlds, l'exposition personnelle de l'artiste française Tamaris BORRELLY. Il s'agit de la première exposition personnelle en Chine de cette artiste européenne émergente, diplômée des Beaux-Arts de Paris. L'exposition présente 20 des dernières créations à l'aquarelle de l'artiste, dont plusieurs œuvres de grand format, montrant comment l'artiste transcende toutes les formes de vie et les tisse dans un paysage de rêve de l'autre monde. 
« Voir le monde en un grain de sable,
Un ciel en une fleur des champs,
Retenir l’infini dans la paume des mains
Et l’éternité dans une heure. »

William Blake
Ces vers, les premiers des « Augures d’innocence » de William Blake, se présentent bientôt à l’esprit lorsque l’on plonge parmi les myriades de créatures dont se peuplent les feuilles soigneusement collectées et mises en œuvre par Tamaris Borrelly. S’ils sont importants, pour du papier, les formats qu’elle choisit n’apparaissent jamais monumentaux – au sens d’écrasant, de surplombant. Vastes pourtant, on s’y immerge jusqu’à s’y perdre, avec délice. C’est qu’elle les investit en miniaturiste : avec des détails et des motifs à foison, un mélange de précision et de stylisation, de répétition et de variété ; avec des jeux de réserves qui forment autant de respirations dans un tissu au demeurant serré quoique tout en mouvements et en transparences. L’énergie y circule, comme les figures sont liées entre elles par des lignes et des sauts, par parenté, contiguïté, recouvrement, voire propagation ou porosité. La fluidité domine donc – on y « tient l’eau par la main » suivant l’un des titres – et le regard passe, continument, d’une zone à une autre (dans l’espace de la feuille qui s’étend à mesure qu’il s’emplit d’une multitude de sillons), d’un plan à l’autre (dans l’épaisseur infime du papier qui, en s’imprégnant, tantôt se tend, tantôt ondule ou se plisse), d’une luminosité à l’autre (du jour à la nuit, dans une temporalité propre). Quelques centimètres carrés s’épanouissent en une « forêt des temps premiers », de même qu’à nombre de peintures d’Henri Matisse est imprimée une force centripète qui, comme l’analyse Leo Steinberg à propos du Bonheur de vivre, les rend, dans le souvenir, toujours plus amples qu’elles ne sont.

Voilà peut-être comment on atteint ce sentiment de plénitude immémoriale si caractéristique des évocations de l’Âge d’Or ou du Jardin d’Eden. Les figures y contribuent chacune à sa manière : qu’en elles coexistent l’humain et l’animal, sans hiérarchie ou qu’elles résultent de l’agglomération d’une multitude de motifs; qu’elles se manifestent sous la forme de silhouettes, tracées à même la végétation ou se donnent à voir dans le paysage à la faveur d’analogies (un mont qui est aussi une tête, une forêt qui est aussi un animal dans La Bête vigilante). Rien ici ne semble fixé et la circulation est de mise, comme dans les cultes animistes, comme à ce Temps d’harmonie peint par Paul Signac, avant les séparations et les frontières entre les êtres, les règnes et les cultures, au-delà du partage entre le réel et le rêve aussi. Car tout se mêle ou mieux s’accorde dans ces vastes étendues colorées, intensément peuplées d’éléments qui tiennent autant de l’ornement que du symbole : la végétation foisonnante évoque le Paradis des « jardins enclos » où était représentée la Vierge au Moyen-Âge, ainsi que les papiers peints des Arts & Crafts et la façon dont par elle se tisse l’espace rappelle les tapisseries aux « mille fleurs », leurs semis végétaux et leurs animaux réels ou fantastiques. Au principe de tels espaces, se trouve l’imagination qui de tout se nourrit et qui, comme la couleur ou la lumière, n’a pas de dimension et donc pas de limites, par qui tout est possible, comme de faire tenir un monde dans une page, de le reformer loin des dangers qui menacent le nôtre en y donnant à voir rien moins qu’une image de l’infini.
Texte de Guitemie Maldonado 
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